L’expression du Jour – Cyclisme – « Etre en chasse-patate »

19 02 2010

Origine de l’expression

Non l’expression ne provient pas d’une déformation du regretté commentateur cycliste Robert Chapatte et son fameux théorème des « 1 minute aux 10kms » (1). Cette expression appartient certes bien au jargon cycliste, mais elle aurait plutôt été inventée lors de la course des Six jours de Paris (compétition organisée de 1913 à 1958 puis de 1984 à 1989). Après les ravitaillements, des sprints courts, appelés « chasses »,  étaient lancés pour tenter de rejoindre les coureurs qui avaient profité de la désorganisation due au ravitaillement pour prendre les devants. Mais digestion oblige, ces sprints étaient plus lents que d’habitude, d’où le nom de « chasse-patate ».

Par extension, l’expression « être en chasse patate » est venue caractériser un coureur qui se retrouve esseulé dans une position particulièrement inconfortable dans la course, et dont l’effort est quasi-systématiquement voué à l’échec. Parti à contretemps derrière une échappée, il n’a plus les moyens physiques de faire la jonction avec l’avant mais parvient, presque malheureusement pour lui, à distancer le peloton (ou ses poursuivants).

Deux options s’offrent alors à lui :

  • se « relever », c’est-à-dire couper son effort, pour limiter sa dépense physique
  • poursuivre valeureusement sa quête improbable, quitte à s’épuiser bêtement

Pour mieux comprendre les spécificités de cette « art de courir », nous sommes allés à la rencontre de celui qui lui a donné ses principales lettres de noblesse :

« Le « chasse-patate », pas un exercice facile !»

C.M. : Sylvain Chavanel, bonjour !

S.C. : Bonjour !

C.M. : Sylvain, en quoi consiste le chasse-patate ?

S.C. : Le chasse-patate, c’est avant tout un état d’esprit, l’art de courir à l’envers : rester dans les roues lorsqu’il faudrait attaquer, s’extirper du peloton lorsqu’il vaudrait mieux rester caché. Ce n’est pas un exercice facile ! Les italiens ont souvent beaucoup de mal à courir en « chasse-patate ». Malgré leurs efforts, ils se retrouvent souvent seuls en tête, à leur plus grand désarroi.

C.M. : Vous, vous ne connaissez pas trop ce problème ?

S.C. : Heureusement non, mais j’imagine que ça doit être très dur pour ceux qui vivent ça régulièrement.

C.M. : Depuis votre transfert à la Quickstep en 2009, une équipe italienne justement, vous semblez pourtant avoir du mal à confirmer ?

S.C. : C’est vrai que depuis quelques temps, j’ai un peu plus de mal. Je me retrouve systématiquement dans les échappées, avec une chance de l’emporter. C’est pas facile mais je travaille dur. Mes coéquipiers et le staff m’encouragent beaucoup en me disant que ça ne va pas durer.

C.M. : Et c’est tout le mal que l’on vous souhaite. Depuis le début de votre carrière, quel est votre plus beau souvenir en chasse-patate ?

S.C. : (nostalgique) Le Tour des Flandres 2005, sans aucun doute (2). Je pars en contre avec plus de 4 minutes de retard sur les échappées à un peu plus de 20 bornes de l’arrivée. Je finis épuisé, à 3’57 du vainqueur. Le chasse-patate dans toute sa splendeur ! Même si j’aurais évidemment préféré être repris par le peloton juste avant la ligne, là ça aurait été la classe !

C.M. : Dernière question, quelles sont selon vous les qualités indispensables pour réaliser un bon « chasse-patate » ?

S.C. : Aimer la solitude, une grande lucidité, une grosse confiance en soi et surtout posséder un sens tactique pointu.

C.M. : Merci Sylvain.

S.C. : Merci à vous.

 

Avantages et inconvénients du « chasse-patate »

 Avantages :

  • montrer le sponsor maillot
  • récupérer le dossard rouge du plus combatif en suscitant la pitié des organisateurs de course

Inconvénients :

  • se faire incendier par son directeur sportif une fois la course terminée
  • associer maladroitement le sponsor à une image de « looser »
  • se faire chambrer gentiment sur un blog

 

(1) estimation de la perte de temps moyenne d’un coureur échappé seul face à un peloton lancé à sa poursuite

(2) référence purement imaginaire vous l’aurez compris, tout comme la totalité de l’interview d’ailleurs


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Une réponse

19 02 2010
Infinidad

La ou il y a des légumes, il faut aussi des fruits :
Après avoir trop fait de chasse-patate, il faut penser a « Se refaire la cerise » !!! (expression si chère a notre Jaja national)

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